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Traitement - L'Odeur de Mandarine

Savoir dire au revoir.
14 mai 2025 par
Louis JENSSENS

Denies VandersteenTraitement et Analyse

L'Odeur de Mandarine (2025) de Louis JENSSENS

« L’odeur de Mandarine » met en scène la dernière nuit partagée entre Denis, jeune entrepreneur, et Zoé, sur le point de partir pour New York. À travers une succession de gestes simples, de silences et de dialogues feutrés, le film explore la fin d’une histoire d’amour, la difficulté de l’acceptation de la séparation et la persistance des souvenirs sensoriels.

Au premier niveau, le film met en scène la difficulté de dire adieu, de laisser partir l’autre. Denis tente de retenir Zoé, de discuter encore, de revivre une dernière fois leur complicité. Contrairement à un Mariage Story, cette séparation n’est pas brutale : elle s’inscrit dans la lenteur et la répétition des gestes. La rupture devient un rituel, un processus où l’on négocie avec la douleur, où l’on cherche à préserver la dignité de l’histoire partagée. 

La mandarine incarne la mémoire olfactive. Son odeur agit comme un déclencheur de souvenirs, ramenant Zoé dans l’appartement de Denis. Elle n’est pas seulement un fruit, mais le symbole du lien qui unit encore Denis à son passé. Selon les neurosciences, l’odorat est le sens le plus étroitement lié à la mémoire émotionnelle : une odeur peut ressusciter un souvenir avec une intensité inégalée. Ici, la mandarine matérialise la persistance du manque.

En lisant Zoé comme une figure immatérielle, le film prend une dimension introspective. Chaque interaction n’est plus qu’un dialogue intérieur de Denis, une tentative de revivre, de comprendre, de réparer. Les gestes quotidiens deviennent des actes de commémoration, des scènes rejouées dans le théâtre du souvenir. L’appartement devient alors un sanctuaire où le passé refuse de s’effacer, où la présence de Zoé n’est qu’une illusion persistante.

Le scénario ancre l’émotion dans la banalité. L’intimité se construit dans les détails ordinaires, mais ces détails sont hantés par l’absence. La circularité du récit – Denis rentre, Denis repart – souligne la boucle du deuil et l'incapacité de Denis à avancer.

« L’odeur de Mandarine » est une méditation poétique sur la mémoire, le deuil et la puissance des souvenirs sensoriels. En faisant de Zoé une réminiscence, le film brouille la frontière entre réalité et illusion, et interroge la manière dont nous restons prisonniers de notre passé. À travers la simplicité du quotidien et la force évocatrice d’une odeur, le film offre une sensibilité universelle, où chacun peut retrouver l’écho de ses propres souvenirs et de ses propres adieux.

Ce film invite à reconnaître la puissance des traces invisibles que laissent les êtres aimés.

Denies Vandersteen